Association des Professeurs de Mathématiques de l''Enseignement Public (APMEP)
Article paru dans le Bulletin 500 de l'APMEP
Auteur : Marc Roux
Le titre de cet ouvrage pouvait faire craindre
une attaque en règle contre les mathématiques
et les mathématiciens ; il n’en est rien.
L’auteur, agrégé de mathématiques, enseignant
à l’université de Lille, membre
d’ATTAC et du SNESUP, prend pour cible
l’obscurantisme scientiste, qu’il oppose à la
démarche scientifique authentique, et qui,
avec « l’inculture scientifique, […] ont
débouché sur un détournement de l’usage des
chiffres et des mathématiques en un outil de
l’horreur néolibérale ».
Entre autres exemples, Marc Delepouve met
en évidence l’inanité du classement de
Shanghai pour les universités, ainsi que celle
du rapport Charpin qui en 1998 prétendait
démontrer l’inéluctabilité de l’augmentation
de l’âge de la retraite : un calcul basé sur les
hypothèses mêmes de ce rapport, et qui pourrait
donner lieu à un exercice en seconde,
montre que si « les charges de retraite triplent
à l’horizon 2040 alors que le PIB et la masse
salariale ne font que doubler », la part du PIB
non consacrée aux retraites augmentera tout
de même de près de 90% ! De même il s’attaque
à la théorie du « facteur deux », selon
laquelle la solution au réchauffement climatique
est la division par deux des émissions
de gaz à effet de serre. Il pose le problème de
la concurrence entre les organismes de
recherche, source de gâchis là où la coopération
apporterait économies et efficacité. Il
utilise lui-même des données scientifiques
chiffrées, aux sources toujours bien précisées,
pour arriver à la conclusion que des
moyens existent pour dépasser la triple crise
financière, sociale et environnementale, mais
pas sans mutation profonde de la société et
des institutions.
Bien entendu, les options politiques de certains
lecteurs les empêcheront d’adhérer à
ces thèses. Même si on est globalement d’accord
avec l’auteur, on pourra regretter qu’il
n’évoque que trop brièvement ce que pourrait
apporter une meilleure maîtrise des
mathématiques aux citoyens comme à leurs
élus ; qu’aux prévisions fantaisistes, il n’oppose
pas le calcul de probabilités et d’intervalles
de confiance ; que, parlant abondamment
du PIB, il ne relève jamais l’absurdité
de sa définition, dans laquelle le positif et le
négatif s’additionnent sans vergogne
(construction d’une usine polluante et
dépenses de dépollution, par exemple).
Il
n’en reste pas moins que cette dénonciation
de l’usage détourné ou abusif des chiffres va dans le sens de la valorisation de notre discipline,
et que ce discours, solidement
construit et argumenté, est à lire et à méditer.